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Le chouchou

(17 octobre 2000)

Dans notre classe, au collège, il y un petit nouveau, au fond, près du radiateur. Depuis qu'il est arrivé, il se passe plein de trucs bizarres, même dans nos petites têtes...

Vendredi, quand le professeur de français est entré dans la classe, il nous a fait une leçon de conjugaison : « Je suis chrétien, tu es musulman, il est juif, nous nous détestons, vous en aurez la preuve, ils vont s'entre-déchirer. » Le petit nouveau s'est complètement trompé. Il a écrit : « Je ne suis pas chrétien, tu n'es pas musulman, il n'est pas juif, nous nous aimons, vous en aurez la preuve, ils vont vivre en paix »... Pourtant, le prof a dit que c'était bon quand même.

Ensuite, quand le professeur de maths est entré dans la classe, il nous a posé une interrogation surprise : soient trois individus sympathiques et trois jolies villes ensoleillées. Dans combien de villes ces individus vont-ils s'installer ? Le petit nouveau, qui est aussi bon en mathématiques qu'en français, a répondu : « Dans une seule, tous les trois dans la même ». À la question subsidiaire : en combien de temps les individus vont-ils perdre une partie de leur capital sympathie et transformer cette ville en un sombre territoire de haine et de malheur ? Le petit nouveau a répondu : « Tout de suite immédiatement ». Il a encore eu tout bon.

En troisième heure, quand le professeur de langues est entré dans la classe, il nous a fait une leçon de vocabulaire : il a demandé d'épeler le nom russe de ce qui peut entrer et être entendu aussi bien dans une église que dans une mosquée ou une synagogue. On a bien compris que c'était de Dieu, en russe, qu'il voulait parler, mais personne n'a su répondre... « Ka-la-che-ni-kof ? » a alors suggéré le petit nouveau. Il a pris aussi sec deux heures de colle pour mauvais esprit !

Mais... C'est drôle, on aurait dit que le nouveau et le prof se marraient...

Enfin, quand le professeur de physique-chimie est entré dans la classe, il nous a demandé de citer les différents états de la matière qu'on connaissait. Christian, Ramdam et Élie ont répondu : « l'état solide, l'état gazeux, l'état liquide et l'état de Grâce Divine... » Le petit nouveau, qui ne connaissait pourtant pas le dernier, a eu une meilleure note.

Et puis, à midi à la cantine, au premier et au deuxième service, Ramdam, Élie et Christian se sont bagarrés pour des histoires de charcuterie et de poisson.

On s'est d'ailleurs tous foutu sur la gueule.

Sauf le chouchou, le nouveau, le petit, près du radiateur du fond.

Il était avec les profs. Ils étaient calmes. Ils prenaient le thé.

Ils n'avaient mangé ni au premier, ni au deuxième service. Ils étaient là, tranquilles, autour du service athée, en porcelaine, fragile.

 

 

 

La finale des Dicos de zinc

(21 novembre 2000)

À la finale des Dicos de zinc, la dictée était délicate, car il fallait connaître quelques mots usuels en Beauf parler, langue très répandue, mais non officielle.

Le Beauf parler, ou Beauf tout court, est une langue en effet très en vogue dans de nombreux pays. Elle a l'avantage d'être universelle et, avec des nuances, de permettre à des idées simples de traverser les frontières, d'acheter du caoutchouc à pneu dans des pays sans voitures, des composants d'ordinateurs dans des pays sans électricité et de déposer l'argent gagné là-bas dans des pays sans scrupule.

Le Beauf se parle surtout dans les buvettes de stade de foot, chez le coiffeur, dans les garages, au comptoir de zinc des troquets et, dans les familles, pendant les pubs à la fin des infos.

Le Beauf permet, par exemple, de ne pas faire l'Europe, de rétablir la peine de mort, de rendre très florissantes les industries d'armement et d'expliquer que les bonnes femmes sont mieux à la cuisine qu'au boulot.

Les mots clefs du Beauf sont :

Ritals, Espingouins, Polaks, Russkofs, Yougos, Bougnoules, Négros, Viets, Chinetoques, Boches et Rosbifs.

Les Ritals se bourrent de pizzas et matent les nanas avant d'en faire des Mamas.

Les Espingouins s'enfilent des tapas à la corrida et des castagnettes au flamenco avant d'aller à confesse.

Les Polaks et les Russkofs descendent vodka sur vodka et juste après, une vodka pour faire passer. Les Yougos préfèrent s'envoyer des pétards, et, juste après, l'ONU pour faire passer.

Les Bougnoules élèvent des moutons dans les ascenseurs, ce qui permet d'imaginer comment ils élèvent leurs enfants.

Les Négros boufferaient bien ma soeur, tous nus avec leurs dents toutes blanches.

Les Viets, congs, en tongs, tapent sur des gongs en attendant leur réincarnation en hamburgers.

Les Chinetoques dévorent les caniches après les avoir noyés dans des rizières.

Les Boches carburent à la saucisse et à la bière dans des bunkers avant, pendant et après les guerres.

Les Rosbifs trempent leurs moustaches rouquines dans le thé à cinq heures, l'essuient sur leur Manche en attendant les obsèques de la Reine-Mère pour faire de l'humour.

C'est un Franchouillard qui donne ces définitions, bien sûr.

Il y a trois sortes de Franchouillards : le Péquenot de campagne, en voie d'extinction, le Banlieusard de cité, qui se multiplie en se colorant et le Parigot tête de veau qui vide les campagnes et colore les banlieues. La rengaine préférée de tout Franchouillard qui se respecte est : « J'suis pas raciste mais faudrait pas oublier les Amerloques ».

Les Amerloques ont inventé la Démocratie-Cholestérol en évinçant Donald pour élire Mickey ou réciproquement et nous exportent la bouffe Dumbo en attendant que leur système politique Rambo soit tout à fait au point.

Fin de la dictée. Zéro fôtes.

© éditions Satin pour soie, 2001, reproduction interdite sans autorisation écrite de l'éditeur

 

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